Les Légionnaires du Christ sous la tutelle du Vatican
Une enquête remise à Benoît XVI dénonce la double vie du fondateur
de la congrégation, le père Maciel.
Rome s'apprête à mettre sous tutelle la congrégation religieuse qui
fut pourtant citée, ces vingt dernières années, comme «le» modèle de
réussite pastorale dans l'Église catholique. Fondés en 1941 à Mexico par
le père Marcial Maciel Degollado, les Légionnaires du Christ comptent
en effet 800 prêtres et 2.500 séminaristes répartis dans vingt-deux
pays, mais ils sont aujourd'hui frappés par les preuves du scandale de
la double vie de leur fondateur, décédé il y a deux ans. Tout en
dirigeant et développant avec brio cet ordre religieux dont l'ambition
était de devenir l'équivalent des jésuites du XXIe siècle (formation
longue, discipline et obéissance absolue aux supérieurs, vénération du
fondateur), le père Maciel a abusé sexuellement de jeunes séminaristes
mais il a aussi entretenu une relation stable avec une femme, dont il a
eu une fille, et d'autres paternités issues de plusieurs relations. On
lui reproche aussi d'avoir usé de stupéfiants et d'avoir plagié son
ouvrage spirituel de référence sur un auteur espagnol inconnu. Longtemps
la congrégation des Légionnaires a nié ce qu'elle considérait comme des
rumeurs diffamatoires contre la réussite de l'œuvre du père Maciel,
effectivement sans équivalent récent dans l'Église catholique. Mais des
plaintes pour abus sexuels sur des séminaristes parvenues en 1995 sur le
bureau du cardinal Ratzinger ont donné lieu à une enquête secrète de la
congrégation pour la Doctrine de la foi, dont les conclusions ont amené
Benoît XVI - une
fois élu pape en 2005 - à exiger du père Maciel la pénitence et une vie
retirée du monde. Depuis sa mort en 2008, il avait 88 ans, les rumeurs
n'ont cessé d'être vérifiées par le Vatican et finalement reconnues par
la congrégation qu'il avait fondée.
Un traumatisme
inouï Le traumatisme chez ses disciples a été inouï, car la
spiritualité de cet ordre religieux était axée sur la personnalité du
fondateur. Provoquant donc une crise interne d'une telle ampleur que le
Saint-Siège décida, il y a un an, une «visite» interne, menée par cinq
évêques qui viennent de rendre leurs premières conclusions samedi, après
avoir rencontré plus de mille Légionnaires du Christ. Ce rapport n'est
pas public, mais le communiqué du Vatican insiste d'abord sur les faits
reprochés au père Maciel. Sans les détailler, mais avec des «témoignages
irréfutables» qui confirment «les comportements très graves et
objectivement immoraux du père Maciel» . Des faits qui «se présentent
parfois comme de vrais délits et démontrent une vie sans scrupule ni
authentique sentiment religieux» . Les évêques enquêteurs
assurent avoir rencontré des «religieux exemplaires» animés par «un zèle
authentique», et dont «la plus grande partie étaient maintenus dans
l'ignorance de cette vie». Ou «écartés» au moindre doute émis sur le
fondateur. Second axe, le futur. Le Pape va nommer prochainement
un « délégué » pour diriger cette congrégation et «redéfinir le charisme
de la congrégation des Légionnaires du Christ». Selon un «chemin de
profonde révision», assure le Vatican.